samedi 5 juillet 2014

Victimes du capital

"'There is just one major exception,' Baran and Sweezy claimed, to the generalization that all major forms of civilian spending conflict with powerful vested interests, 'and it is very much the type of exception which proves the rule: government spending on highways.' This was tied to the 'frightful havoc wreaked on American society by the cancerous growth of the automobile complex.' And for Baran and Sweezy this was, in large part, a form of economic waste, when judged from the standpoint of society as a whole."         
                                                                       -John Bellamy Foster, The Theory of Monopoly Capitalism, page 153


C'est avec de la tristesse et colère que nous lisons le compte-rendu des derniers jours des résidents du 780.

Évincés pour un projet qui ne répond pas aux besoins humains, mais bien aux besoins abstraits d'expansion sans limite du capital. Nous ne voyons qu'une autre manifestation de la destruction inhérente de cette forme de production. Une communauté disparaît, un quartier est sous assaut. Les résistants ont baissé les bras. Les prétendus "représentants" ont trahi la cause, ça fait longtemps.

Nous-mêmes sommes déménagés, fuyant le bruit et la poussière...et le découragement d'une cause perdue.

Le gaspillage et la destruction, que nous voulions éviter, font partie intégrante de la production de la valeur de surplus. En voulant raisonner avec le MTQ et l'État québécois, nous avons, peut-être naïvement, ignoré ce fait incontournable. 

Pour "éviter le fiasco" de Turcot, il aurait fallu, non pas un gouvernement plus "à l'écoute de la population", mais, enfin, une révolution :

"For in order to maintain the senseless multiplication of motor cars - and the corresponding neglect or even willful destruction of public transport services - the system had to devise the absurd marketing strategy of the two or even 'three car family'. The continued 'healthy expansion' of capital's productive order needs such practices despite the immense amount of material and labour resources wastefully locked up in every single motor car, and despite the devastating impact of this grotesquely inefficient form of transport (promoted by a system which takes pride in its own claimed 'efficiency') both in using up unrenewable energy and chemical resources and in poisoning on a mind-boggling scale the natural environment.
[...]
Accordingly, the battle for comprehensive rationality and genuine economizing restraint is necessarily lost by the environmentally concerned people even before it has begun if their target does not involve the radical change of the structural parameters of the capital system itself."
                                                                                                Istvan Meszaros, Beyond Capital, p 182-  
                                                                                                                                                           183

 

mardi 7 février 2012

Un spectacle désolant

Personne devrait être surprise de voir le Ministère des Transports procéder à un simulacre de consultation concernant des "atténuations" des effets néfastes de son projet Turcot.  Nous avons vécu cet exercice de faux-semblants déjà à plusieurs occasions. C'est ce soir au CRCS que les citoyens peuvent se présenter pour dire - "haut et fort" - au MTQ quelle couleur qu'ils veulent pour le béton qui sectionnera leur quartier en deux.  À quoi bon?  Ça me fait un petit pincement au coeur d'avoir à le dire, mais l'invitation de Mobilisation Turcot et des certains politiciens locaux aux citoyens de venir exprimer leur opposition au projet - pour l'énième fois - me semble peu pertinent.  Que reste-t-il à gagner dans ce dossier?  Oui, "la seule lutte que l'on perd est celle que l'on abandonne" mais encore faut-il savoir quels sont les objectifs de la lutte en question.  Le gouvernement Charest et le MTQ ont démontré maintes fois leur mépris absolu pour la population du Sud-Ouest.  On peut toujours aller le dire encore, mais cela devient, à la longue, plutôt démoralisant.  Il semble peu probable qu'un rapport de force susceptible de faire reculer le gouvernement sur ce dossier puisse être bâti à cette stade-ci.

Entre-temps, des opportunistes tels que Richard Bergeron et Daniel Breton (nouveau candidat du PQ) seront là pour tenter d'attirer l'attention des médias, histoire de renforcer leurs vaines tentatives de "greenwasher" l'État libéral.  Benoît Dorais fait beaucoup de bruit  dans les médias, lui aussi, et ces dernières "consultations" lui donnent une opportunité de se poser en défenseur des intérêts de la population locale...et peut-être nous faire oublier ses gaffes concernant la bibliothèque Georges-Vanier et le Bain Émard.

Il faut se rendre à l'évidence:  ce ne sont pas les cris histrioniques de quelques coqs avec des ambitions ministérielles, mairielles (un mot que je viens d'inventer), et des ego démesurés qui vont réussir où la mobilisation populaire a échoué.  Au mieux, ils arracheront quelques concessions mineures.  Peut-être Dorais aurait son financement qu'il cherche auprès du MTQ pour boucler son budget.  Pour ma part, je n'ai pas le goût de me prêter au jeu des politiciens, je préfère, tout simplement, mettre mes énergies ailleurs.  

En fait, s'il y a une leçon à tirer du dossier Turcot, c'est que, effectivement, l'État libéral n'est pas réformable.  On peut aller crier dans ses consultations bidons autant qu'on veut, ça peut nous permettre de sentir un peu mieux (à condition de rester volontairement aveugle quant aux effets réels de l'exercice), mais au même temps, il faut bien se garder de cautionner de tels exercices de légitimation avec notre seule présence...

dimanche 10 juillet 2011

Le MTQ débouté à la Cour d'appel

Dans une décision qui soulèvent plusieurs enjeux applicables à notre situation locale, la Cour d'appel du Québec autorise un recours collectif de 50 millions $ contre le MTQ.  Le recours est déposé par des citoyens de l'arrondissement de Charlesbourg, à Québec, qui se plaignent des troubles de voisinage, notamment, un excès de bruit, occasionnés par l'autoroute 73.  Après de décennies de revendications citoyennes, le MTQ persiste a refuser de prendre de mesures pour atténuer le bruit qui empêche les riverains de l'autoroute de jouir paisiblement de leurs biens et provoquent aussi de problèmes de santé.

Plusieurs éléments de cette décision sont importants:  d'abord, la Cour d'appel estime que le juge de première instance a erré en acceptant l'argument du MTQ voulant que le principe de l'immunité de l'État rendait le recours collectif irrecevable.  Il est vrai que les tribunaux doivent faire preuve de déférence et laisser une marge de manœuvre à l'État à l'égard de décisions prises par lui à l'intérieur de la sphère politique, écrit le juge Gagnon de la Cour d'appel, mais la question de si la responsabilité civile de l'État puisse être engagée pour des troubles de voisinage occasionnés par une nuisance excessive est une question mixte de fait et de droit qui serait mieux traité par le juge de fond.  (Rappelons qu'au stade d'autorisation d'un recours collectif, ce qu'on requiert est une apparence de droit:  ainsi, seul les questions de droit sont traitées à cette étape.)  Bref, on ouvre la porte: le MTQ pourrait être tenu responsable pour les dommages causés par son autoroute.

Ensuite, la Cour d'appel confirme que le MTQ est bel et bien un "voisin" au sens de l'article 976 du Code civil du Québec.  Cela est signifiant, puisque le régime de responsabilité établi à cet article en est un sans faute.  Cela signifie que la preuve de nuisance excessive - pas nécessairement facile à faire en soi - entraîne la responsabilité, et le propriétaire du terrain qui occasionne les nuisances ne peut pas en soustraire en démontrant une absence de faute ou une diligence raisonnable de sa part.

Finalement, le juge Gagnon de la Cour d'appel accepte l'apparence de droit de l'allégation des citoyens-requérants quant à la responsabilité avec faute (l'article 1457 CcQ).  La faute imputée au MTQ est de ne pas avoir respecté l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui stipule: "Toute personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations délivrées en vertu de l'un ou l'autre des articles de la présente loi...".  En l'espèce, les citoyens de l'arrondissement Charlesbourg reprochent au MTQ de ne pas respecter les niveaux acceptables de bruit sonore prévus dans les différentes politiques de planification issues du MTQ lui-même.  De plus, les citoyens en rajoutent en alléguant que le MTQ serait en violation des articles 6 ("Toute personne a droit à la libre jouissance et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi) et 46.1 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ("Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité").  Ces allégations amènent le juge Gagnon à écrire:  "Les arguments tirés à partir du texte de la Loi sur la qualité de l'environnement et celui de la Charte droits et libertés de la personne ajoutent au poids des prétentions des appelants en ce qui a trait à l'apparence de droit requise au stade d'autorisation.  Les allégations de la requête font voir en effet que le confort des appelants ainsi que leur environnement sont affectés par des inconvénients susceptibles de donner ouverture à l'application de ces lois".

Le juge Gagnon conclut sa décision sur une note forte intéressante, en rappelant au MTQ : "La protection de l'environnement est une responsabilité confiée à tous les citoyens, alors que le pouvoir public est appelé à jouer un rôle sans cesse grandissant dans ce secteur d'activité.  La pollution par le bruit n'échappe pas à cette responsabilité."

Il sera extrêmement intéressant de voir l'issue de ce recours.  Bien entendu, nous voyons de ressemblances importantes avec notre situation de "voisinage" avec le MTQ ici à Saint-Henri.  Si les niveaux de bruit dépassent l'acceptable à Charlesbourg, ici c'est la question de qualité d'air qui est primordiale.  Nous savons que pour ce qui des particules fines, nous sommes à 95% du niveau permis par la Loi sur la qualité de l'environnement.  Comment ne pas conclure que le rajout d'au moins 30 000 voitures par jour ne ferait en sorte qu'on dépasse le limite légal?  Cette décision de la Cour d'appel vient nous dire que, avenant un tel scénario, on pourrait exercer un recours contre le MTQ, et qu'un tel recours serait au moins recevable en droit.  Ici, tout comme en Charlesbourg, le MTQ, en tant que propriétaire de la voirie de l'échangeur Turcot et l'autoroute Ville-Marie, est notre "voisin" est serait donc responsable pour tout trouble anormal de voisinage occasionné par ses installations.  Démolition de logements, risques accrus de cancer et de maladies cardio-respiratoires:  pourrait-on convaincre un tribunal que tels inconvénients constituent des nuisances excessives?  Pourrait-on faire un lien de causalité entre ses nuisances et les installations du MTQ?

Avis aux avocats:  nous sommes partants pour tenter le coup!

lundi 31 janvier 2011

Turcot: nous avons résisté...nous allons résister

Pas une chaise disponible lors de la présentation du MTQ au CRCS ce soir.  La salle était remplie, et personne avait des choses positives à dire concernant le projet.  "Un projet imposé par le pouvoir et l'argent" "Où sont les responsables politiques, est-ce que c'est par mépris qu'ils ne sont pas ici ce soir?"  "Vous n'avez pas écouté"...La ligne pour le micro était interminable...Les fonctionnaires ont fait leur mieux pour défendre le mauvais projet, "Nous allons améliorer la qualité d'air" - des rires - "nous allons projeter de bruit blanc pendant les travaux, de bruit de ruisseaux et de cascades, pour masquer le bruit des travaux" ..."et des toilettes qui flushent?"

Les mêmes images mensongères de tout-vert et des tramways imaginaires...Personne les a cru...et personne ne baissera les bras:

dimanche 23 janvier 2011

"Un modèle qui nous mène tout droit vers le catastrophe" (du momentum politique - II)

Trois développements qui tendent à confirmer que ma thèse (avancée avant les fêtes) - selon lequel le momemtum politique soit résolument du bord des opposants au mauvais projet Turcot du MTQ - était tout à fait juste.  Je le souligne, non pas pour (tenter de) renforcer ma propre crédibilité, mais parce c'est bon pour le quartier!

1) Le RESO, le très prudent et très accommodant RESO, le RESO qui a l'habitude d'exprimer "quelques réserves", tout en "réjouissant" de la réalisation de "grands projets structurants" (Griffintown, Imperial Tobacco, le Casino à Pointe Saint-Charles...bon, peut-être le RESO n'a jamais formellement appuyé le Casino, mais je crois qu'il est resté "neutre" sur l'enjeu, ce qui est une autre façon d'appuyer), démolit le "nouveau" projet du MTQ cette semaine.  Dans un communiqué, le RESO dit que "le projet modifié n'est pas dans l'intérêt de la communauté du Sud-ouest," puisqu'il "propose plus de circulation automobile, donc plus de dommage à la santé publique."  Le projet révisé est même pire que le status quo: "...dans sa forme proposée, l'échangeur Turcot risque de générer des impacts plus dommageables que dans sa forme actuelle pour la population et pour le développement urbain et économique du Sud-Ouest," soutient Pierre Morrissette, son directeur.  Bref, le projet du MTQ ne fait que "reproduire un modèle qui nous mène tout droit vers le catastrophe".  Rappelons que suite à l'annonce du projet révisé, le novembre passé, le RESO s'est abstenu de se prononcer tout de suite.  Cela n'est pas grave, la dénonciation de cette semaine tombe très bien, pour relancer l'opposition en 2011, qui se trouve dans une phase critique;

2) Le gouvernement Charest est de plus en plus faible, et commence à céder sur d'autres dossiers.  La volte-face sur la question de gaz de schiste, avec le ministre Arcand qui soutient maintenant que l'industrie a "perdu le contrôle", démontre un gouvernement en pleine panique, qui doit reculer sur des fronts s'ils veulent s'accrocher encore au pouvoir. Non, tout n'est pas réglé avec le dossier de gaz de schiste, mais le changement de ton est révélateur.  Ce gouvernement commence à craquer. S'il peut reculer sur le gaz de schiste, il peut reculer sur Turcot;

3) Tandis que le RESO dénonce, et que le gouvernement Charest s'affaisse à petit feu (il y aura-t-il un grand?  Pourquoi pas nous, pourquoi pas maintenant?), le POPIR annonce une semaine d'actions pour un projet Turcot alternatif. Car, c'est bel et bien de l'action qu'il nous faut, pour avoir le quartier qu'on voudra.  Des communiqués de presse énoncant des positions claires, c'est bien, un gouvernement sur mode d'autodestruction, c'est très bien, mais l'action, l'action est ce qui est indispensable...Le MTQ viendra, parait-il, présenter en fin son projet révisé aux citoyens du Sud-Ouest, lundi le 31 janvier.  Le POPIR, avec Mobilisation Turcot, organise un comité d'accueil.  La semaine se poursuivra avec plusieurs "actions dérangeantes", dont une samedi le 5 février à 11h00, au métro Outremont, pour une "action surprise".

Soyons nombreux à y participer! Dans l'équilibre fluctuant de rapport des forces, on ne sait jamais quand arrivera la petite quelque chose de plus qui fera tout basculer en notre faveur.  Surtout, il faudra pas le manquer, ce moment-là...il risque d'être mémorable!